Empire Ashanti

L’empire Ashanti est l’un des royaumes africains les plus sophistiqués, mais également l’un des plus documentés. Nous allons sommairement étudier l’émergence de cet empire Akan qui à son apogée, au début du XIXe siècle, s’étendait sur un territoire couvrant les deux tiers de l’actuelle république du Ghana, l’ouest du Togo et l’est de la Côte-d’Ivoire.

source : Britannica kids

Le peuple Akan auquel appartiennent les Ashantis se serait installé dans les forêts du centre et du sud du Ghana entre le XIIIe et le XIVe siècles. Cette migration ferait suite à l’effondrement d’un autre empire qui a marqué l’histoire africaine, l’empire du Ghana (du VIIIe au XIIIe siècle s’étendant au Sénégal, Niger, Mali, Mauritanie), dont ils seraient originaires. C’est par ailleurs en référence à cet illustre empire que le premier président de la République ghanéenne, Kwame Nrumah a renommé le pays Ghana à son indépendance en 1957 ; auparavant, son colonial était Côte-de-l’Or (Gold Coast).

À partir du XVe siècle, les populations Akan commencent à connaître une certaine prospérité ; dans un premier temps grâce au commerce transsaharien de l’or et d’autres marchandises (ivoire, noix de cola, etc.) avec les peuples Dioulas et Haoussas, puis dans un second temps, avec l’arrivée des Portugais sur les côtes africaines, ils détournèrent leur commerce de l’or vers les comptoirs côtiers.

Principalement regroupé en petits états autonomes autour de la ville stratégique de Kumasi (voie commerciale acheminant les richesses du sud vers le nord et inversement), le peuple Ashanti est une civilisation matrilinéaire organisée par clans dirigés par un chef l’Omanhene.

En dépit de ses richesses, le royaume reste néanmoins vassal du puissant royaume de Denkyira, qui au XVIIe siècle était l’Etat Akan dominant. C’est dans ce contexte qu’au milieu du XVIIe siècle, lassé du régime despotique du Denkyira, le clan Oyoko mené par son Omanhene (chef) Oti Akenten commence à se démarquer. Ce dernier débuta une politique d’unification des clans Ashanti dans le but d’obtenir leur indépendance. Il entame ainsi un conflit armé qui affaiblit le royaume de Denkyira, mais n’aboutit pas à la fin de la suzeraineté. Il faudra attendre le règne de son successeur, son neveu Osei Tutu, pour voir émerger un puissant royaume Ashanti qui triomphera sur le royaume de Denkyira.


Carte état central Ghana, approximativement territoire du Denkyira

Osei Tutu qui était l’Omanhene (chef) de Kumasi, comprit très vite que face à son puissant adversaire, il se devait d’unir les clans Ashanti en confédération.

À la fin du XVIIe siècle, Osei Tutu aurait été retenu en otage à la Cour du Denkyira, et se serait échappé à l’est, dans l’état Akan d’Akwamu, où il fût initié à de nouvelles méthodes politiques et militaires perfectionnistes. Ce serait par ailleurs lors de ce séjour en pays Akwamu, qu’Osei Tutu fit la connaissance du grand prêtre Okomfo Anokye, qui devint son conseiller et l’accompagna lors de son retour à Kumasi.

Afin de consolider la confédération, Osei s’appuie sur le mythe du siège d’or (Sika Dwa) qui deviendra le symbole de l’unité du royaume. Selon la légende, grâce à l’intervention d’Okomfo Anokye, le siège d’or serait miraculeusement descendu du ciel sur les genoux d’Osei Tutu, faisant de lui le chef suprême des Ashantis, l’Asantehene (le roi des Ashantis). Le siège d’or est le symbole de l’autorité divine de l’Asantehene ; il n’est pas un simple « trône », il serait notamment le gardien des esprits des vivants et des morts du peuple Ashanti, personne ne peut s’asseoir dessus. Le siège d’or est au sommet d’une hiérarchie de sièges.

Osei Tutu King of Asante (circa 1650-1717) by Alfred Smith
Sika Dwa, le Siège d’Or

C’est donc fort de ce nouveau sacre et de son armée redoutable, que l’Asantehene Osei Tutu mène une révolte décisive pour l’indépendance du royaume Ashanti. Une guerre féroce de 1699 à 1701, qui aboutit à la victoire de la confédération sur le Denkerya lors de la bataille de Feyiase.

À la suite de sa défaite, le Royaume de Denkyira dut prêter allégeance à l’Asantehene. L’annexion du Denkeryira n’est que le début d’une longue liste de conquêtes qui a permis au Royaume Ashanti de devenir un éminent Empire d’Afrique de l’ouest.

Jusqu’à sa mort en 1717, Osei Tutu va lancer une politique de centralisation des clans Akans en imposant le système juridique impérial tout en poursuivant l’expansion de l’empire. Les peuples conquis se voient imposer le choix suivant : rejoindre l’empire ou en devenir tributaire.

Opoku Ware, neveu d’Osei Tutu (fils de sa sœur) hérite donc du trône à sa mort, comme les règles de succession des sociétés matrilinéaires l’exigent. Sous son règne, l’empire s’étendait sur un territoire qui couvre les deux tiers de l’actuel Ghana, l’ouest du Togo et l’est de la Côte-d’Ivoire. Les seules véritables menaces étaient celles internes au royaume avec les guerres fratricides, mais également les menaces externes avec l’avancée des Européens dans l’hinterland.

L’empire est fragilisé par les nombreuses révoltes grouillant en son sein. Il était donc presque inévitable qu’à la mort d’Opoku Ware en 1750, une guerre de succession opposant son frère cadet le prince Dakon (l’héritier naturel), à son oncle Kusi Obodum, éclate.

La lutte fratricide qui menaçait la stabilité de l’empire eut raison du clan du prince Dakon. Ce dernier fut assassiné par les partisans de Kusi Obodum. Des familles entières furent décimées.  

C’est dans ce climat de terreur que la sœur de Dakon, Abla Poku, dont l’époux venait également d’être tué, décida de réunir les rescapés de son clan afin d’organiser leur fuite vers l’ouest.

Une légende est née du périple d’Abla Poku et son clan. Arrivés devant le fleuve Comoé (fleuve traversant la Côte d’Ivoire du nord au sud), pourchassés par l’Asantehene Kusi et ses troupes, elle sacrifia son fils unique en offrande aux génies du fleuve afin que son peuple puisse le traverser. Lorsque son peuple et elle rejoignirent l’autre rive, Poku fut élevée au rang de reine, son nouveau royaume qu’elle baptisa « Ba ou li » (« l’enfant est mort ») servit également de nouveau nom pour son clan, qui désormais est le clan Baoulé.

La sécession étant définitive, de son côté, le royaume Baoulé continua en Côte d’Ivoire la politique d’expansion de ses aïeux Ashantis.

Osei Kwadwo succéda à Kusi Obodum à la mort de ce dernier en 1764 ; puis ce fut Osei Kwame Panyin en 1777 jusqu’en 1801.

Au XIXe l’empire doit faire face aux prétentions coloniales des Britanniques, nous verrons que nonobstant quelques succès notables sur les Anglais et leurs alliés européens, la série de guerres de résistance se terminera avec la défaite de 1901. La déchéance de l’empire aboutira à son intégration forcée à la colonie britannique de Côte-de-l’Or.

En 1801, Osei Bonsu devient l’Asantehene et renforce la centralisation de l’empire en mettant en place une bureaucratie efficace et bien-fondé.

Tout comme ses prédécesseurs, Osei Bonsu poursuit la conquête des peuples voisins et annexe en 1807 le sud du territoire Fanti. Cette même année, la Grande-Bretagne abolit l’esclavage et veut étendre sa colonie sur le territoire Fanti occupé par les Ashantis. Les prétentions de conquistadors des Anglais accentuèrent les tensions entre les deux nations, conduisant en 1824 à un premier conflit armé dont les Ashantis sortirent vainqueurs. Afin de préserver une relative paix, un armistice stipulant la non-ingérence d’étrangers en territoire Ashanti fut signé en 1831 (règne de l’Asantehene Osei Yaw Akoto), permettant ainsi une accalmie d’environ 30 ans.

Maison Ashanti traditionnelle
Source : Thomas Edward Bowdich
 

Source : Johan Gerrits

Durant le règne de Kwaku Dwa I, l’histoire de l’empire prit un tournant sans précédent.

Les hostilités reprirent en 1863 quand, arguant une violation du traité de paix de 1831, Kwaku Dwa I et ses troupes lancèrent une offensive sur les territoires côtiers occupés par les Britanniques. L’assaut se solda par un échec, qui désastreusement amorça une longue série de défaites.

Lorsque Kwaku Dwa I décéda soudainement en 1867, le spectre d’une guerre de succession menace le royaume déjà affaibli. Un vote du Conseil de la confédération désigna Kofi Karikari, le petit-neveu du défunt Asantehene pour lui succéder au trône.

Contrairement à ses aïeuls, il opte pour une pacification de l’empire. Cette nouvelle politique profita aux Anglais qui convinrent avec les Néerlandais d’une convention de cession de leur colonie the Dutch gold Coast (Côte-de-l’Or néerlandaise) en 1872. La Côte-de-l’Or néerlandaise couvrait une partie du territoire côtier du sud-ouest de l’actuel Ghana, les principales villes étaient Fort Elmina et Fort Nassau. Revendiquant leur suzeraineté sur Elmina, les Ashantis envahirent la nouvelle colonie anglaise en 1873.

La couronne britannique riposta en envoyant son corps expéditionnaire dirigé par Sir Garnet Wolseley. L’expédition punitive mobilisa une coalition composée majoritairement de soldats britanniques, mais également provenant des différentes colonies de l’empire (les fameux West India Regiments, l’infanterie des colonies caribéennes), y compris des soldats Fanti.

En 1874, les troupes anglaises atteignirent Kumasi, créant un véritable carnage, saccageant et incendiant les habitations, détruisant le palais royal, forçant les populations locales à l’exil.

La débâcle eut des conséquences irréversibles pour les Ashanti. Premièrement, Kofi Karikari dû capituler en signant le traité de Formena en juillet 1874, un tribut en or doit être versé à la couronne britannique ; puis dans un second temps, l’Asantehene est destitué et les Anglais désignent un régent en la personne de Kwabena Dwomo.

Fin 1874, Kwabena Dwomo fut renversé par l’héritier au trône, Mensa Bonsu, le frère de feu Kofi Karikari. Son règne sera marqué par une volonté de rétablir l’indépendance du royaume, une gouvernance despotique, et les luttes de succession qui conduisirent à sa destitution par sa sœur Yaa Akyaa en 1883, devenant ainsi la régente.


« Grand Chefs » Ashanti.
Source : Jules Gros, Voyages, aventures et captivité de J. Bonnat chez les Ashantis, 1884.

L’Ohema (reine-mère) Yaa Akyaa entama une sanglante chasse aux sorcières de tous les opposants à son clan, elle fit introniser en 1884 son fils Kwaku Dwa II qui mourut quelque temps après cette même année. Son successeur, son frère cadet Pempreh I, étant alors adolescent, Yaa Akyaa s’arrogea la régence.

Les rivalités claniques ayant atteint leur paroxysme, une guerre civile éclata de 1884 à 1888 entre les partisans du prince Akyampon Panyin, prétendant au trône, et les partisans du prince Pempreh I.

Lorsque Pempreh I accéda au trône en 1888, le déclin de l’empire ne faisait plus de doute. Épaulé par sa mère, il tenta de restaurer la souveraineté de l’empire et résista faces aux prétentions coloniales de la Grande-Bretagne. Il s’alliera même à un autre leader indépendantiste africain, Samory Touré. Lassés de la solution diplomatique, les Britanniques optèrent pour la solution militaire. En janvier 1896 ils annexèrent Kumasi, arrêtèrent l’Asantehene Pempreh I ainsi que les leaders Ashanti, et les déportèrent aux Seychelles.

La dissolution forcée de la confédération ne provoqua pas de révolte du peuple Ashanti, déjà très marqué par des décennies de guerres.

Néanmoins, en 1900 quand le gouverneur de la colonie, Sir Frederick Mitchell Hodgson exigea que lui soit livré le Siège d’Or (Sika Dwa), l’objet le plus sacré du royaume, une rébellion menée par l’Ohema Yaa Asantewaa vue le jour et les autorités coloniales durent renoncer à obtenir la remise du Siège d’Or. En réplique, Yaa Asantewaa et sa Cour qui étaient les seuls à avoir échappé à l’exil forcé, furent également déportées aux Seychelles.


Source : Yaa Asantewa Queen of Ghana (1863-1923) by Barbara Higgins Bond

Ainsi, les territoires de la confédération furent intégrés officiellement à la colonie de la Côte-de-l’Or en janvier 1902, les autorités coloniales veillant à ce que les chefferies inférieures maintenues restent dociles.

Les nouveaux Omanhene (chefs) sont des personnes moralement peu qualifiées et qui font prévaloir leurs intérêts personnels.

La confédération fut restaurée en 1935, mais désormais elle est investie de tâches administratives, un certain principe de subsidiarité se met en place, sous le contrôle évidemment de l’administration coloniale.

3 réponses à “Empire Ashanti”

  1. Bonjour, article très intéressant. J’ai noté les conflits entre les peuples Ashanti et Fanti. Est ce l’existence d’un royaume Fanti a été maintenue et si non,à partir de quand?

    J’aime

    • Bonjour,
      merci pour ce retour, je vous en suis très reconnaissante. L’existence du royaume Fanti a été maintenue en apparence, uniquement sous l’égide du protectorat britannique à partir de 1873, puis la confédération Fanti a été totalement dissoute pour être intégrée à la colonie en 1874 après la défaite Ashanti contre les troupes anglaises.

      J’aime

Laisser un commentaire